Une nouvelle cité judiciaire pour Lisieux

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Le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti était à Lisieux, ce jeudi 8 octobre 2020, pour inaugurer le nouveau tribunal. Cet exercice était un baptême pour le ministre, puisqu’il précisera « non sans émotion », que c’est « sa première inauguration de palais de justice en tant que garde des Sceaux ».

Un baptême express, puisqu’en une heure, le ministre a coupé le ruban, visité la cité judiciaire, prononcé son discours et répondu aux quelques questions des journalistes avant de remonter en voiture !

Il a tout de même profité de ce discours pour revenir sur cette « justice plus rapide » auquel il est attaché : « Tous les maillons de la chaîne judiciaire sont renforcés, pour juger plus vite et mieux, faire exécuter les peines plus rapidement et plus efficacement. »

«Un défi historique»

Il a également salué « le défi historique » de ce projet : « Par la réutilisation d'un patrimoine industriel, qui a marqué l'histoire de la ville. »


Et pour cause, cette cité judiciaire est installée dans les anciens locaux de l’usine de piles Wonder. Un bâtiment de briques rouges, laissé en friche depuis la fermeture de l’entreprise, en 1985. Avant cela, cette bâtisse abritait une filature, créée à la fin du XIXe siècle. Et aujourd’hui, l’aspect industriel du lieu est encore très présent : la brique est apparente à l’extérieur et dans la salle des pas perdus. À l’intérieur, des structures métalliques rappellent ce patrimoine.

Le nouveau pôle judiciaire ne manque cependant pas de modernité : ascenseur ; tablettes dans les salles d’audiences, pour régler le son et la lumière ; systèmes de visioconférence et des badges pour accéder aux bureaux et aux couloirs.

Une motion mais pas de manifestation

On s’attendait à ce que la venue du garde des Sceaux suscite une mobilisation de la part des magistrat de la région, au vu du contexte tendu entre ces derniers et leur ministre de tutelle. Il n’en a rien été. Ces polémiques n’ont d’ailleurs été que brièvement évoqué, lors de l’échange avec les journalistes, à l’issu de la visite.


A la question : « Allez-vous répondre à la haute autorité pour la transparence de la vie publique, qui vous demande des précisions sur vos potentiels conflits d'intérêts ? » Eric Dupond-Moretti a répondu : « Je vais répondre complètement sur le conflit d'intérêts, d'ailleurs la réponse va ressembler à ce que j'ai déjà dit. Et de poursuivre : Sur ce que l'on appelle les "remontées d'informations", par rapport à mon ancienne clientèle, j'ai fait quelque chose que personne n'a jamais fait. J'ai donné l'ensemble des noms de mes anciens clients, de façon à ce que si une affaire devait intervenir, aucune remontée d'informations ne me parvienne. C'est ce que j'aurai l'honneur de répondre à la Haute autorité pour la transparence pour la vie publique. »

On sait en revanche qu’une motion a été adoptée à l’unanimité, ce jeudi matin, par les magistrats du tribunal judiciaire de Lisieux. En revanche, elle ne lui a pas été remise. Dans ce document de deux pages, on peut notamment lire, que les magistrats « dénoncent le conflit d’intérêts majeur dans lequel se place ainsi le garde des Sceaux, qui a mis en cause le parquet national financier » et qu’ils « s’alarment du fait que l’enquête administrative décidée par le garde des Sceaux se fonde sur une inspection de fonctionnement – non contradictoire – au mépris des droits de la défense et au travers d’un détournement pur et simple de la procédure ». Cette motion porte à plus de cent le nombre de motions adoptées dans les juridictions en France.

Dans un contexte pourtant tendu

Depuis quelques jours en effet, l’ambiance est plutôt électrique entre le ministre et les magistrats. Ces derniers ont en effet appelé, lundi 28 septembre 2020, Emmanuel Macron à agir pour faire respecter l’indépendance de l’autorité judiciaire. Celle-ci serait, selon eux, mise à mal par Éric Dupond-Moretti, après l’enquête administrative ouverte contre des procureurs du Parquet national financier (PNF).


Cette enquête a été ordonnée le 18 septembre 2020, après la remise d’un rapport de l’Inspection générale de la justice sur le fonctionnement du PNF, mis en cause pour avoir épluché, en 2014, les relevés téléphoniques détaillés (que l’on appelle « fadettes ») de ténors du barreau, dont Éric Dupond-Moretti lui-même. Cette mesure avait été ordonnée par le PNF pour tenter d’identifier la taupe qui aurait pu informer Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog, ami de l’actuel garde des Sceaux, qu’ils étaient sur écoute dans une enquête pour des soupçons de corruption d’un magistrat.
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Les magistrats ont déjà fait entendre leur inquiétude et leur colère à travers des rassemblements, notamment à Paris, ou à Caen, jeudi 24 septembre 2020. Lors de ces mobilisations, ils reprochent également au ministre de la Justice son discours du lundi 21 septembre 2020, à l’École nationale de la magistrature (ENM), dans lequel il insistait sur « une forme de corporatisme que personne ne peut nier », qui « s’exprime dès l’ENM ».

Source : Ouest France
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